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De tout et de rien
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10 avril 2005

De séronégatif à criminel, il n'y a qu'un pas...

Un débat sur la place publique tend à vouloir criminaliser les personnes séropositives. Le 18 mars, à Télé-Québec « II va y avoir du sport ». on demandait : « Les personnes      séropositives sont-elles des criminels potentiels » [Le 23 mars, au Téléjournal de Radio-Canada, on annonçait qu'un militaire de la base de Borden en Ontario déposait des accusations de voies de fait graves envers Jennifer Murphy, une femme séropositive avec laquelle il a eu des relations sexuelles non protégées. Les militaires interviewés trouvaient immoraux les agissements de cette femme. Dans le reportage de Radio-Canada, on apprend qu'une alerte de santé publique a été lancée, rien de moins ! Une personne séropositive devient ainsi un danger public.

Plusieurs questions m'assaillent devant ces faits. La première est technique : comment la séropositivité de l'accusée a-t-elle été rendue publique? Sommes-nous en train de déplacer la responsabilité de la transmission du VIH et d'autres ITSS sur le seul dos des personnes infectées? les personnes infectées ont certes la responsabilité de protéger les autres, mais les personnes non infectées ont également la responsabilité de se protéger elles-mêmes. Il faudrait qu'en plus, les personnes infectées protègent leurs partenaires sexuels d'eux-mêmes? Ces militaires accusateurs n'ont jamais pensé à se protéger?

Nous apprenions, lors de cette émission, que cette femme était connue pour ses nombreuses visites des baraquements et des chambres des soldats célibataires ; donc, la direction des Forces savait ! 11 faut savoir que, dans les Forces, un soldat ne peut aller à la toilette sans que ses supérieurs le sachent. Les responsables des Forces années, vite sur la gâchette des accusations, n'ont-ils jamais eu l'idée d'informer leurs soldats sur les risques de transmission des ITSS? Dans quel monde vivent-ils? Il faudrait leur dire qu'il n'y pas qu'à la guerre que l'on meurt...

Si les séropositifs sont des criminels potentiels, les séronégatifs le sont aussi. Comment? La réponse est simple. Les personnes séropositives n'ont pas toujours été séropositives. (Vous êtes surpris?) Il fut un temps où elles étaient séronégatives, mais voilà, elles n'étaient responsables de rien, et pouvaient batifoler en toute insouciance jusqu'au jour où un séropositif criminel les a contaminées. Du jour au lendemain, elles sont passées du statut d'être insouciant au statut d'être responsable, capable de se prendre en main. Elles sont devenues des personnes garantes de l'innocence de l'humanité qui, elle, peut continuer à avoir des relations sexuelles en toute inconscience à l'abri des criminels.

Si les personnes séropositives sont des criminels potentiels, pourquoi ne pas tatouer sur leur front les trois lettres fatidiques suivies du petit signe de croix et que l'on n'en parle plus? Ce qui m'apparaît clair maintenant, c'est que dans tout cela, il y a une judiciarisation de la séropositivité et de la transmission du VIH. Il faut savoir ce que l'on veut. Si l'objectif est de satisfaire la droite et de mettre plus de monde en prison, c'est bon

pour les affaires. Mais si on vise la prévention, on rate le coche et pas à peu près ! On ne peut ainsi que pousser les personnes séropositives à craindre d’avantage la révélation de leur statut et 1’amener à se cacher plus encore. On peut même penser que des personnes à risque ne se feront pas tester pour ne pas savoir, pour ne pas être accusées ensuite.

En effet, dans une cour de justice, l'intention criminelle compte pour l'essentiel de la preuve, comment prouver que telle ou telle personne soit responsable de la transmission du VIH à telle ou telle autre personne? Comment les autorités militaires s'y prendront-elles pour prouver que Jennifer Murphy a réellement transmis le VIH à des soldats? Il leur faudrait prouver que les soldats n'ont eu de relation qu'avec elle dans leur vie ou encore qu'il n'y a qu'avec elle qu'ils ont eu des relations non protégées.

De plus, une fois que tous les séropositifs seront sous surveillance, en prison ou neutralisés, y aura-t-il moins de cas de séroconversion ? La réponse est non, bien sûr. On crée des nouveaux crimes, on en efface d'autres au gré des époques. Il arrive que faute d'effacer un crime, on efface les personnes, c'est plus simple.

II faut se souvenir que les personnes séropositives sont des victimes également. Il n'y a pas de bonnes et de mauvaises victimes, n'en déplaise à bien des gens pour qui le départage du monde en bons et en méchants est plus simple. La protection de sa santé et de son intégrité est de la responsabilité de chacun. Si les personnes séropositives sont responsables de quelque chose, ce n'est sûrement pas de la négligence des autres.

Simon Louis Lajeunesse

Sociologue M.A. service social ph. D

professeur à temps partiel à l'université d'Ottawa

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